jeudi 25 juillet 2013

Live & Direct



Je me pousse vers ce que je ne suis pas.
Encore.
Je me pousse vers ce que je ne suis pas encore.
Tu vois ? Comme les vagues, la mer. Qui se retire, qui s'approche. Le ressac sans cesse. Comme tes identifiants. Tes traces. Qui changent. Qui mutent .Tes pseudos. Travelos. Tes bouts de peau. Tes mots de passe. Tes cheveux. Clandos. Tes poils. Tes visions piétinées (celles que tu sais piétiner tout seul en vérité).
Je me pousse vers l'auto-supercherie arachnoïde. Le dédoublement. Le cerveau mal latéralisé. Divisé. Séparé – extension neurogénique et pinces coupantes, camé-rat schizoïde au poing, derrière mon caddie aux barreaux verticaux dans les rues codes-barrées. Tout est filmé dans la rue, en direct. LIVE.
(Au fond de tes orbites ça s'agite.)
De l'autre côté de la rue chirale, gît au moins un cadavre à la télé. Les mains le sang, le hachoir le sang et le couteau rouge le sang. Les cris stridents imaginés, tu vois le silence en réalité. Et l'intrusion de l'écarlate dans ta vie. Le monde substance morte, work in progress, qui s'écarte, qui implose sur ton plasma. Fissures. L'explosion du vide sur l'écran. Ton reflet imprécis en face de toi, les yeux à vide.
LIVE. Tu te regardes regardant en boucle des séquences filmées par portable. Tu demandes demandes demandes aux autres ce que tu veux veux veux qu'on te demande. Inlassablement. Le virus arachnoïde va et vient. L'un dans l'autre. Tes orbites barbouillés de bruit blanc, les battements binauraux qui t'en-vertigent à l'extrême. Méso-chrone. Comme l'amère codéine sur ta langue brûlée. Le napalm invisible qui te modifie. Qui se retire. Qui s'approche. Sans cesse.
LIVE. Tu te pousses à petit feu vers ce que tu n'es pas.
Toujours. Encore.
Visions cliniques ; ta lobotomie en direct mec. Tes hurlements figés. Fragmentés. Tes visages émaciés. Décharnés. Troués. Tes bouts de peau rouge. Cramée. Tes visions explosées. Désossage du réel. Là. Dans le caniveau apparemment. Deux hémisphères cannibales. En LIVE.


(...)



One shot

[extrait de Vide un jour, pour Lectures Mutantes à Librairie Polis (Rouen), le 16/11/2012.]







(Retrouvez le texte intégral ici : https://editionsdupontdeleurope.eproshopping.fr/1155013-concrete-jungle-cyrill-chatelain.html)

lundi 22 juillet 2013

Ayase [wip partie 1]



Zoom. Une feuille se décroche des frondaisons et tombe, flottant à travers le pollen en suspens, au ralenti. Un vent léger balaie les branches des arbres. Quelques fleurs de cerisiers forment des petits tas rose de temps à autre au bord de l’allée. Notre héroïne avance.
La musique parfaite est : harmonica façon western, guitare au feu de bois et sifflement poor lonesome far-west. Sous ses haillons, elle marche droit devant elle. La tête légèrement penchée en avant.
Il n’y a d’autre bruit que les oiseaux de ci de là et le claquement irrégulier du bâton, toctoctoc, sur la terre battue. Elle avance en sentant – et nous la sentons aussi cette caresse intermittente du vent derrière les mèches de ses cheveux, le voile chaud du soleil sur son visage et les parfums de pins, de violettes et d’humus que traverse son tracé.
Le mot de saison parfait est : printemps. Il semble que l’on entend la sève circuler et gazouiller dans la canopée. Entre ses lèvres sèches et serrées, des grains de sable craquent sous ses dents. La ville est loin devant. Nous marchons.
On voit nettement au soleil les peluches d’ouate se mêler aux longs cheveux d’Ayase. Elle traîne ses chaussons de corde sur le chemin poussiéreux. De dos, ses cheveux de geai chaloupent à mesure de sa démarche lente. Fondu noir.

Clap. Charles ferma la scène d’un « Ok ! C’est bon ! ». Et je dis :
"- C’est nickel là !
  - Ouais, faut voir.
  - T’inquiète.
  - On va la refaire quand même.
  - T’es sûr ?
  - Je préfère parce qu’il y un moment où…enfin je suis pas sûr, bref. Au point où on en est, une de plus ou une de moins. Ce n’est pas de ma faute s’ils titillent tous."


Ça ne faisait que la dix-huitième fois que l’on refaisait cette prise. C’était Charles qui titillait un brin. Comme toujours. Et là-bas, je voyais qu’Aya commençait à saturer. Elle ne disait rien. Ou parlait assez sèchement à son assistante. Elle ne jetait jamais un œil de notre côté. Elle s’exécutait. C’était tout. Elle semblait exaspérée.

.../...

vendredi 5 juillet 2013

Contagion (extrait de Jeu Décalé 1)


Espace sous surveillance vidéo –

l’Autre est un facteur contagieux
dit la télé,

sa fumée tue
sa gastro se transmet
son bruit nuit
ses poubelles puent
ses grèves bloquent

l’Autre doit être autre
mais surtout par-fai-te-ment S I M I L A I R E.

> communiqué du Ministère de la Santé ; Penser à porter un masque lorsqu’on est grippé, c’est protéger son entourage des microbes.

(carré fumeur –
l’enclos grillagé dehors
la nuit dans le froid)

Fumer nuit à votre entourage

l’Autre est un facteur contagieux
dit la télé

(tout est balisé aujourd’hui)
si l’Autre est Autre, c’est inacceptable -
ce qui est acceptable,
et bien,
c’est que l’Autre soit comme vous
une armée d’Autres pas autres
à la queue leu leu sur les boulevards
des clones chaque matin & chaque soir

l’air n’est plus à l’autre,
l’ère est à la masse/ troupeau/foule/majorité/supérieur/
c’est le 1 ou l’autre
pour le bien de tous,

l’enfer c’est l’Autre,
soyez-en persuadés.

l’Autre est un facteur contagieux
dit la télé,

l’Autre est une menace pour votre vie.

plus les différences seront rayées,
plus vous serez en sécurité,
faites-nous confiance.
vous avez bien sûr la possibilité de dénoncer
de manière anonyme, appelez-nous
au numéro qui s'affiche sur l'écran.

L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE POUR VOTRE VIE ET CELLE DE VOS PROCHES,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
NE RESTEZ PAS SANS L'AVIS D'UN EXPERT, APPELEZ-NOUS*,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
L’AUTRE EST UNE MENACE,
ORGANISEZ VOTRE SERVITUDE,
L’AUTRE EST UN FACTEUR CONTAGIEUX

disent hurlent crachent les télés.




*Téléphonez-nous 24h/24 au 999666 (gratuit hors frais opérateurs).



(L'autre en V2, Extrait de Jeu Décalé 1, publié in Le Printemps des poètes 2008[TPK], C.Chomant Ed.)



jeudi 4 juillet 2013

Riders on the storm





Les mots bloqués. Le cerveau blanc.
Les mots bloqués. Le cœur en acier. Les mots bloqués. Les lances aiguisées. Les mots bloqués. La glotte asséchée. Les mots bloqués. Les mots bagués. Les mots bloqués. L'hémoglobine du passé. Les mots bloqués. Les pensées sous-titrées. Les mots bloqués. La barrière dentelée. Les mots bloqués. Tir de mortier. Les mots bloqués. Le ventre perforé. Les mots bloqués. Ceux qui ne sortent plus.
Les mots bloqués. L'émoi étouffé. Les mots bloqués. Les histoires refoulées. Les mots bloqués. Les névroses psychés. Les mots bloqués. L’Éros torturé. Les mots bloqués. Le Thanatos cendrier. Les mots bloqués. Les mitraillettes cavités. Les mots bloqués. La boue dans les tranchées. Les mots bloqués. Les snipers embusqués. Les mots bloqués. Le chasseur assoiffé. Les mots bloqués. La flèche empoisonnée. Les mots bloqués. Les violons légers. Les mots bloqués. Le curare secret. Les mots bloqués. Les rêves boule-chiffonnés. Les mots bloqués. L'extraction acharnée. Les mots bloqués. Le cœur en tôle ondulé. Les mots bloqués. La boîte refermée. Les mots bloqués. Le jour assassiné. Les mots bloqués. Les mines dissimulées. Les mots bloqués. Les joues émaciées. Les mots bloqués. Les lèvres coagulées. Les mots bloqués. Les doigts mouflés. Les mots bloqués. Les bougies hantées. Les mots bloqués. Les yeux plissés. Les mots bloqués. Les contours réalité. Les mots bloqués. Des reliefs aperçus. Les mots bloqués. Les larmes perdues.
Mots bloqués. Thérapie oubliée.
Mots bloqués. La cage et ses clés. Mots bloqués. Triturer les cartouches dorées. Mots bloqués. Pelote à dérouler. Mots bloqués. Comment décoincer. Mots bloqués. Mode d'emploi égaré. Mots bloqués. Les colonnes à tracer. Mots bloqués. Électrocuté. Mots bloqués. Maxillaires stressées. Mots bloqués. S'acharner. Mots bloqués. Débrancher. Mots bloqués. Grenades dégoupillées. Mots bloqués. Gâchette armée. Mots bloqués. S'acharner. Mots bloqués. Tempête embrouillée. Mots bloqués. Bourrasque déglinguée. Mots bloqués. Ferraille rouillée. Mots bloqués. Chantier avorté. Mots bloqués. Virevoltent débris du passé. Mots bloqués. Ensorcelés. Mots bloqués. Ensorcelé. Mots bloqués. Les jours accumulés. Mots bloqués. Bugué. Mots bloqués. Accidents ensanglantés. Mots bloqués. Rafales concentrées. Mots bloqués. Mots bloqués. Mots bloqués. Mots bloqués. Brainstorming. Mots bloqués. Heart-storming. Mots bloqués. Valiums écrasés. Mots bloqués. Bouteilles vidées. Mots bloqués. Lignes sniffées. Mots bloqués. Pattes de mouches mortes. Mots bloqués. Emprisonnés. Mots bloqués. Mors aux linéaments. Mots bloqués. Les choses devraient accélérer.

A la fenêtre, elle m'avait dit. (Transe bloqué.) Tu dois.
(Transe bloqué.) Verbaliser.
(Transe bloqué.) Si, si ! Mets des mots !
Mets mots bloqués ? Mes mots bloqués. Bloqués. Bloqués. Bloqués. Bloqués. Bloqués. Bloqué. Deux points, parenthèse ouverte.
Flux.
Si tu mets des mots, tu verras plus clair. Deux point, parenthèse fermée.
Mm. (Bloqué.)
Mais attention, je n'ai pas dit que ça allait être facile. Point-virgule, parenthèse fermée.



Il est dix-neuf heures. Le monoxyde file sous la voie lactée. Le même petit spectacle se déroule soir et matin. Les moutons vont paître et vont se coucher à la bergerie. Je bois un whisky sec. Le coucher de soleil déroule son film orange et rose. Je n’allume pas la lumière, l’écran me suffira.

mercredi 3 juillet 2013

Like white sheeps ina digital detox


Ça y est. C’était fait. 
J’avais résilié ma ligne internet. J’avais aussi résilié mon abonnement de téléphone portable. 
Je n’étais plus joignable. 
Je savais ce que ça signifiait. 
Les ponts étaient coupés. 
Je n’avais même pas songé à garder un fixe, un shoot de communication au cas où le téléphone était allé rejoindre la télé et le reste des fils arrachés aux encombrants. Oui, j’avais jeté la télé aussi.
Ça y est. C’était fait. 
Le salon paraissait beaucoup plus spacieux.





Feu !


Sa colère grandissait à mesure qu'il regardait, qu'il revoyait les photos, les vestiges,les ruines d'une autre vie. Malgré le temps, sa rage ne s'éteignait pas. Le grésillement désagréable des souvenirs diffus s'exposait là sous ses yeux. Rouge. Il entendait souvent des cris, des pleurs au fin fond des ruelles alentours. Il pouvait discerner encore sa voix douce quelquefois et puis, regardait son reflet dans son bol noir de café. Seul. Il fallait s'extraire. Ailleurs. Une cabane, une hutte en forêt. En montagne. Une autre ville.


(...)


mardi 2 juillet 2013

Reset



Perte de temps. Cul entre deux chaises. Tu sais exactement ce que ça veut dire. Ou plutôt. Tu savais exactement ce que ça voulait dire. Je suis ton révélateur. Ton satori. Ton éblouissement de l’œil. Ta révélation.

>Ne te réveille pas demain.
>Casse ton réveil-matin.
>Tue ton employeur.
>Oublie.
>Cesse de t'oublier en te prostituant.
>Arrête tout.
Et bois si tu veux boire, fume si tu veux fumer, pique-toi si tu veux te piquer, rien n'est jamais trop lorsqu'il s'agit de toi. Le reste : discours, grandes phrases, grandes idées, mets tout cela au feu. Tu verras, tout s'enflammera par la seule action dioptrique du soleil sur la loupe.

(...)

(Retrouvez le texte intégral ici : https://editionsdupontdeleurope.eproshopping.fr/1155013-concrete-jungle-cyrill-chatelain.html)

lundi 1 juillet 2013

Vide un jour [hex. 40]





Fade. Terne. L' encéphalogramme à plat. Cadenassé. Les dents serrées. Mortel ennui. Noir et blanc. Une coupé à fond, rêves de casino, nuits blanches, les planches, gouttes, piano, l'aube, la rosée sur la ville fantôme. Tout cela n'est que rêve. Fade, terne et cadenassé. Le soleil grince.

Le fade est une teinte éteinte. Une teinte incertaine. Tu n'es pas aveugle. Tu n'es pas de pierre. Pourtant qu'il est doux de dormir le songe de pierre dit le poète. J'aimerais qu'on retienne mes vers. Tu es vivant et ce que tu sens, dans ce lent désœuvrement des sens, ce long ennui, ce rien, c'est le vide. Le vide qui se délite peu à peu. Le corps qui pourrit. La respiration qui siffle. L'insidieuse entropie (Fumer tue/mélanome tumeur & cancer/boire tue/mélanome tumeur & cancer/manger trop gras tue/mélanome tumeur & cancer/sortez couverts/ le Sida tue/mélanome tumeur & cancer/manger cinq fruits et légumes sinon/mélanome tumeur & cancer/votre programme manger et bouger/sans OGM/votre programme pour votre sécurité/sans parabens/mélanome tumeur & cancer/sous surveillance vidéo/pollution aux particules/sans BPA/jambon glucose sous plastique/pas trop de sucre/diabète/chips saveur poulet grillé/pas trop de sel/sans aluminium/ hypertension/pas trop de ci/sans agents de textures/pas trop de ça/sans huile de palme/ c’est l’abus qui remue/contagion/mélanome tumeur & cancer/cette question enfouie au fond des rings monoxydes ; qui aura son cancer le plus tard ? Qui l’aura le premier. Et qui ne l’aura pas.) → Ton entropie.

Tu es au centre. 
Au centre de rien.

(...)