samedi 25 mars 2017

Matrix City Blues (3)

(...)


J’en buvais un énième on the rocks en écoutant des extraits, des trailers avec ta voix en off chargée de goudron et de sexe. Volup-tueuse. Ex-tactique. Veuve noire du marasme post-coït. Des violons cisaillent l’atmosphère ternaire comme en tenaille dans un film d’Hitchcock. Asphyxie blues. Microparticules morbides. You didn't want me no more.  Tu es unique et imparfaite, je vis au passé. Asphyxie blues.
Poésie noire sous trip. Dark horns subliminaux. Je te sens, drone invisible, encore sur mes lèvres, ton sur ton. Toi sur toi. Et moi retourné au fond de mon verre dégueulasse de whisky. Je te sens dans les ampoules des spots qui pètent une à une. Ta présence électrique, maléfique, tectonique. Au bar je vois au bout, au bout de tentacules anonymes des baguettes d’achillée qui martèlent le zinc, trouent en trombe le plafond d’un rêve éveillé et d’antiques visions fugitives qui t’enivrent à l’extrême. Dé-corporation dans le collapsar, je suis ici et ailleurs. Dans un coin derrière des têtes, je vois issue de secours.
https://www.youtube.com/playlist?list=PLTLWlUmI9rlVi8XWWNGBsSgh2Bsswpi7t
Tu m'as laissé en mélange brouillon. Il pleut. Il pleut toujours et indéfiniment ici. Je barbouille au posca les mêmes souvenirs bloqués sur les murs glissants. Les glycines piquantes au bord des palimpsestes noircis. Les lettres se superposent. Les/tes paroles que j'entends toujours.  Rayons X. Les yeux fermés, ton visage est toujours là. Connecté. Mais je te cherche en physique, partout, à la lueur engloutie du whisky. En mineur dans la tourbe. Sans glace. Sec. Dur. Affolé.
J’entends ta voix déformée sortir des enceintes, des grincements ponctuant chacun des soupirs sortant de l’autoradio synaptique. Les voix du passé encombrent les programmations de l’hôpital. Je ne sais pas ce que je dis. Ce que je pense. Tout s’enchaîne en flux total. 
Taffe.
Taffe.
Je vis hier. A l'épuisement. Le piano hypnotique. Les sépias paralysés d’un paysage psychotrope désormais vide. Do mi sol la. Mineur. Je me souviens tout, tout, tout. Je bois un énième verre sans parvenir à décoller.
Le public applaudit et crie et siffle.
Je bois une bonne vieille et longue gorgée.
La batterie au pas avec un charley léger, et régulier. Une autre gorgée chaude. Yamazaki, Bourbon Barrel. Revenir ici, c’est marcher dans un cimetière profané, béant et des feux follets qui te brûlent la peau à vif. Je reviens néanmoins chaque soir, je visionne les mêmes bandes passées, ici, au centre du vortex, au plus près de nous, au plus près de toi. Comme si tu pouvais réapparaître. Apoplexie blues. A call girl will kill you in a darkened room.
Hypnose. Lap-dance. Un piercing brillant fiché dans son nombril, elle ondule face à moi. Tu ondules devant moi. Tes ongles noirs arachnéens devant ton visage de poupée maquillé en femme fatale gloss et pin-up. Tu ondules sur la barre. Ton ventre à peau douce sous les spots rouges et bleus, ton ventre serpent, tu te déhanches. Poncif blues fin fond bar enfumé souvenirs de toi.
Dans le film commun du poncif bluesy où je marche le soir, le soir sur le trottoir du fond du bar, tu es devant moi et je vais et je viens, de te rencontrer. La nuit est à nous. Devant nous. Et cætera. But she's out of reach. L’écran enchaîne les noir et blanc figés d'un autre temps. Ce rade est mon trou. Dans l’air épais de la ville, j’ai découvert en vrille l’envers de tes paupières — riff de blues, guitares bleues derrière les fumigènes-électrophone.
Je ne fais plus rien d’autre, comme un aimant, amant d'une épitaphe invisible en boucle, en mode revenant dans le Styx trouble de la nuit. Des voix racontent entre deux croches des histoires de jolies pépés possédées qui possèdent. Mal occio. Tu ondules le long de la barre. Tu ondules devant moi, rien que pour moi.
Cette vie est la plus bizarre que j’aie jamais eue à vivre, terré là entre les voix, la musique, la fumée, les rires des filles dans les toilettes des filles. Le concert va reprendre dans quelques instants.

(...)

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