mercredi 7 juin 2017

Matrix City Blues (5.2)




De l’orgue sur scène. Je vois des ombres ternaires au fond de mon verre comme des yuréis prêts à déchirer la ville enneigée. Je renifle. Hier ça sera bien, figé, suspendu, mieux que demain, tu te souviens ? 
Accord. Tout est blues quand tu n’es pas là. On avait l’habitude de notre rencard. Je ne sais plus depuis combien de temps. I’m the queen of pain. Je bois, je bois, je bois tes pupilles dilatées dans l’azote liquide, l’abysse blues. La nuit palpite des vipères avalées en speed avec toi, toutes les couleuvres argentées sniffées sous les spots lampadaires. Toi invariablement. I can put all those tears in your eyes. Tu t’es estompée sitôt apparue.  I'll even never wave goodbye. Je ne sais pas vraiment qui tu es. J’avais pensé avoir le temps plus tard.

L’orgue. La syncope. Le blues tu vois pour moi, c’est un mélange de regrets, de vie bloquée au passé, d’incapacité à se re-projeter plus loin, plus avant, plus tard qu’ici. Se répéter qu’hier, ça sera mieux que demain, always the same, enchaînant chaînant les culs-secs. En mode total blues monoxyde bleu. Seul à ma table. Je me vois te voir encore te regarder. Je suis le pathos du blues lamentation so round imbinding. Tous les mots dits pour toujours et tout ce que tu me disais à l’oreille if it’s not you ? C’est tout ça que je n’arrive pas à oublier. Je t’entends encore. Comme si je te sentais encore. Scotché depuis je ne sais quand, Then you say, il faudrait que je puisse extraire le bout de mémoire qui t’a conservée. Une ablation et on n’en parlerait plus. Une lobotomie. Lobotomie blues. Parce que je sais que le plus probable, c’est que je ne te parlerai plus jamais. Cold as november. Il me faut un autre verre, le mien est vide. Le saxo hurle ton nom. Une autre trace aussi.  
https://www.youtube.com/watch?v=kYsgY8Gmj0Y&list=PLTLWlUmI9rlVi8XWWNGBsSgh2Bsswpi7t&index=10
Riff de blues électrique. Je sors du couloir en allumant une clope. C’est un autre type sur scène. J’ai dû partir un bon bout de temps. Il fait une chaleur de dingue. Je suis éclaté. Je retourne seul, téléguidé entre les autres dans le noir m’asseoir à ma table.
Je suis en boucle. En circuit fermé dans ce bar qui ne se vide jamais. Comme dans un film de SF. Dans une nuit qui se clone à l'infini. À l'écœurement  L’harmonica et la guitare se mélangent dans mon sky. J’écrase ma clope. Je regarde autour de moi. Je ne pense qu’à toi ici. Toi dans une autre vie.
Je rencontrerai un type au comptoir un peu plus tard qui me dirait :
« Le truc gamin, c’est que t’es pas le seul. T’as remarqué tous ces mecs ? Tous les mêmes, pas vrai ? Je veux dire, tu les vois tous les soirs et c’est toujours les mêmes que tu vois ? T’as jamais parlé avec eux ? »


(…)

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