samedi 20 janvier 2018

Data loss [5]




Je vais tenter d’être clair.
A un moment donné, je m’épuise.
Oui, ça m’a toujours fait ça.
Comme une grande lassitude qui s’abat sur le monde. Un horizon bouché. Ce truc qui fait que je ne me sens pas à ma place. Pas dans mon rôle. Comme un bug dans le script du monde parfait. Félicitations ! Vous êtes dans la norme.
J’enchaine les nuits d’insomnie.
Le décor de carton-pâte se fissure. Je suis de nouveau en retard tous les jours. Les collègues ont commencé à jazzer. Les Jean-Mi de service du service voient bien que je me décale. Me désynchronise à nouveau. La machine s'enraye. Eurodisney explose. Découvre tes voisines les plus coquines. Je vois les trucages. Je n’arrive plus à faire semblant de trouver un intérêt à tout ce cirque téléguidé. Vous êtes dans un espace sous surveillance vidéo.
Je pense que je n’ai pas fait le bon choix. J’ai toujours pensé que je n’avais pas fait le bon choix. Je n’ai le temps de rien. Je suis toujours en retard. Criblé de mouchards. Et je me répète que je n’ai pas fait le bon choix. Que j’ai toujours pensé que je n’avais pas fait le bon choix. Que je n’ai le temps de rien. Que je suis criblé de mouchards. Mes plaintes sont des mantras. Des sourates. J’ai mis une tenture rouge quelque part dans l’appart. J’écoute Ravi Shankar. Ça m’apaise 74 minutes 35 secondes et dans le nouveau silence le ciel se remet à tomber par morceaux. Ne perdez plus de temps !

 
Ma vie ressemble à celle des autres. Je décompte chaque jour de la semaine qui me sépare du week-end. Chaque semaine des vacances. A partir de 129 euros par mois. Je n’ai pas fait le bon choix. Je le sais depuis le début.
La nuit je ne dors plus, je zappe. Je cherche un truc. Un film. Un track. Des paroles. Je zappe, je ne dors pas, J’accumule. Des images. J’accumule les nuits d’insomnie. J’accumule la fatigue. Il est tard mais je me dis que je me fous de demain.
Je n’ai plus envie d’aller au taff. Plus envie de me forcer. J’ai juste envie de profiter. Je ne veux pas dormir. Cochez la case qui correspond. Je suis le format de ce qu’il faut être, de celui qu’il faut que je sois pour être respectable. Je ne suis pas différent des autres ; je m’emmerde. Vous avez la chance d’avoir un travail. Je me regarde me regarder me déformer. Le débit de mes pensées est incontrôlable. Il est tard mais je fume dernière clope sur dernière clope.

(…)

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